Après l’installation de ses premiers Kujuk dans le courant de 2022, Constellations a livré ses deux premiers Tenji le 23 décembre dernier.
La nouvelle nécessite un décodage.
Constellations conçoit et fabrique des microhabitations autonomes, autosuffisantes et écoresponsables, qui peuvent être déposées dans la nature. Des écopods, dit-on.
Deux jours avant Noël, la toute jeune entreprise de Lachute a livré au centre écotouristique Terra Perma les deux premiers de quatre exemplaires de son modèle Tenji, une élégante maisonnette en contreplaqué de 120 à 200 pi2 dont les commodités essentielles (divan-lit, évier, cuisine…) sont soigneusement intégrées et harmonisées à la construction. Toilette et douche sont en option.
Terra Perma envisage la création d’un ensemble de 24 unités similaires dans son vaste parc des Laurentides.
L’inspiration
Constellations a été fondée en mai 2021 par François Turgeon et ses associés pour concrétiser sa vision de petites oasis autonomes.
Ses deux prototypes Kujuk, de confortables refuges pour l’écotourisme, ont été livrés à la ville de Brownsburg-Chatham durant la première moitié de 2022.
« C’est une structure non permanente, décrit le président. Il n’y a pas de fondations. On peut la mettre sur des skis pour la déplacer ou la déposer sur des pieux. »
Sa configuration en facettes triangulaires est inspirée de la « géométrie sacrée » et des mandalas, ces diagrammes colorés destinés à la méditation dans la tradition bouddhiste.
« Je suis musicien de formation, explique François Turgeon. J’ai étudié le jazz avec Michel Donato et j’ai étudié la musique classique. Donc, j’ai toujours aimé la géométrie, j’ai toujours aimé l’harmonie, j’ai toujours été attaché aux détails. »
Un homme-orchestre, en effet.
L’entrepreneur de 45 ans a travaillé dans l’édition, a été producteur multimédia, directeur artistique chez Jeunesse au Soleil, fondateur au début des années 2000 d’une entreprise pionnière dans les prêts numériques de bibliothèques. Il a également été professeur de hatha yoga.
« Je suis passionné, j’aime créer », résume-t-il.
Il a élargi sa gamme de compétences autodidactes au milieu des années 2010 dans un long projet de rénovation de chalet, où il a rencontré le menuisier-charpentier Robert Rondeau, maintenant directeur de la production chez Constellations.
Pris d’une passion soudaine pour l’architecture et la construction, il a commencé à mettre sur papier des idées de petits havres aux proportions inspirées.
Pendant la pandémie, il a rencontré un jeune diplômé de HEC Montréal originaire du Brésil, Gaëtan Serrigny, qui s’est joint à lui pour jeter les fondations de son entreprise de microhabitations sans fondations.
Ensemble, ils ont esquissé ce polyèdre à faces triangulaires qui est devenu le prototype du Kujuk. Son soigneux aménagement intérieur, qui se conforme aux facettes extérieures, donne l’impression de résider à l’intérieur d’un diamant en bois.
« Pourquoi les triangles ? L’expérience utilisateur est assez exceptionnelle, fait valoir François Turgeon. Mais ce qui est intéressant aussi, c’est que l’angle des murs améliore l’absorption solaire. La structure peut être réchauffée naturellement parce que les murs ne sont pas droits, mais légèrement en angle. »
Un ami avocat sensible à sa cause – « j’ai juste des amis qui méditent autour de moi » – lui a offert de l’aider à constituer son entreprise en société s’il trouvait un accélérateur pour son entreprise balbutiante.
« Avec Gaëtan, on a trouvé un incubateur qui s’appelle Esplanade Québec. »
Un premier investisseur privé, Mikulas Arendas, lui-même autoconstructeur, a été gagné par son enthousiasme contagieux. À son tour, l’architecte Alfonso Arzapalo a ajouté un étage à l’édifice de leurs compétences.
« Notre concept de base, c’est que non seulement on veut faire de la géométrie sacrée, mais on veut aussi développer des initiatives en revitalisation de matières résiduelles », souligne l’entrepreneur.
Prise de conscience
Il a fallu en convenir : la géométrie sacrée entraînait de sacrés problèmes de géométrie.
« On a réalisé que l’architecture innovante à partir de triangles, c’est beau, mais c’est compliqué. »
Les modèles qui ont suivi les prototypes Kujuk ont été conçus sur la base de rectangles.
« Il faut aussi rentabiliser le rêve, convient-il. Mais la beauté, quand même, c’est qu’on est conscients de la courbe d’apprentissage. »
Une courbe dorénavant en angles droits.
Comme en fait foi leur nouveau catalogue 2023, François Turgeon et ses partenaires ont conçu une gamme complète d’unités de différents volumes, qui peuvent se combiner pour former des habitations de tailles diverses.
Il espère que Constellations va ainsi faciliter l’accès à la propriété privée.
Une municipalité des Laurentides a déjà montré de l’intérêt.
Déménagement
Constellations emploie huit personnes à temps plein, plus une demi-douzaine de consultants contractuels.
Cette production locale se fait pour l’instant dans un petit local : un atelier d’à peine 3000 pi2.
Soutenu par la MRC d’Argenteuil, François Turgeon prévoit déménager sous peu dans une usine de 20 000 pi2 située dans le centre industriel Synercité, qui se consacre à l’économie circulaire autour de l’important centre de tri Tricentris. « Je touche du bois », lance-t-il fort à propos, alors que résonne au téléphone le toc-toc d’un double cognement sur un matériau sans doute ligneux.
Avec l’aide du nouveau centre d’expertise et d’innovation en économie circulaire Synerlab de Synercité, il souhaite mettre sur pied d’ici trois à cinq ans un système de production de panneaux structuraux, à partir d’une pâte constituée de divers matériaux recyclés, d’une manière analogue à l’impression 3D.
Article par Marc Tison, Lapresse