Présentation de nos invité.e.s
François Turgeon, Fondateur et concepteur de Constellation.House
François Turgeon est le fondateur de Constellations.House, producteur multimédia et directeur artistique de Jeunesse au Soleil. Il est aussi professeur de yoga certifié.
David Fauteux, Conseiller senior en innovation et développement de produits chez IDP
David Fauteux représente l’Institut de développement de produits (IDP) dans cet épisode. Il est diplômé d’une maîtrise en gestion de la technologie et de l’innovation et d’un baccalauréat en génie mécanique à l’École polytechnique de Montréal.
L’objectif principal de l’IDP est de rendre les entreprises québécoises plus compétitives. C’est une organisation à but non lucratif dont la mission est d’accélérer l’adoption des meilleures pratiques en développement de produits et en écoconception.
Gaëtan Serrigny, Directeur adjoint de Constellation.House
Gaëtan Serrigny est le directeur adjoint de Constellation.House et possède un baccalauréat en administration des affaires trilingue spécialisé en marketing et entrepreneuriat et était assistant de recherche à HEC.
Carmen-G. Sanchez : Est-ce qu’il y a des étapes que vous diriez qui sont incontournables, vraiment, dans un processus de l’idéation à la commercialisation?
David Fauteux : Il y en a plusieurs. Il y en a vraiment du début à la fin, et souvent, c’est ce qu’on rencontre et c’est ce qui structure un processus de développement de produits. Celles qui sont, non pas qu’elles sont laissées de côté, mais celles qui ne sont pas tout le temps faites, ou celles qui méritent d’être faites davantage en début de parcours. C’est justement des éléments de réflexion stratégique du produit, de positionnement du produit. Ce sont des éléments, quand on parle de produits, peut-être un peu moins techniques, mais qui sont les fondements du produit qui va être développé. Et comprendre l’intention de l’entreprise et de ses produits, ainsi que le positionnement en produit par rapport à l’existant. Quelquefois, on a une très belle intention d’un produit qu’on veut amener. Finalement, si on analyse concrètement le marché, est-ce que le segment de marché en vaut la peine? Est-ce qu’il y a déjà des produits qui sont une compétition qui va être difficile à égaler? Donc, cette capacité de traiter, de faire certains portraits macro de la dynamique dans laquelle une startup veut se lancer, c’est sûr que c’est crucial.
François Turgeon : Excusez-moi David, j’ajouterais un truc. Je pense qu’un volet aussi extrêmement important pour une startup, et nous c’est ce qu’on a fait avec Gaëtan pour Constellation, c’est qu’on a approché un incubateur qui ont vraiment fait une différence pour nous, parce qu’on a eu toute une série d’ateliers qui nous a permis de réfléchir justement et de positionner notre projet.
David Fauteux : Nous, dans le processus de développement de produits, il y a une phase qui est définitivement plus technique où on va là rentrer dans les matériaux, dans la construction de produit. Cette phase de conception, c’est une phase parmi tant d’autres et à la fin, les raisons pourquoi on travaille avec les entreprises à structurer ce développement de produits là, avec au départ, c’est forcément des étapes comme on voit; un peu plus marché, un peu plus l’état, le portrait des opportunités au niveau un peu plus business et plus tard, ça va donner un peu plus technique. Ensuite, ça va être la mise en marché, la commercialisation. Mais tout ce processus-là, il est là pour dérisquer l’idée demain matin. Si je suis souvent cet exemple, si on parle à Steve Jobs, probablement qu’il y a quelques personnes qui ont, en termes d’exception, pas besoin de se structurer et qui vont pouvoir y aller au feeling qui ça va fonctionner. Mais pour la majorité, pour 99 % des personnes que l’on est et dans un contexte d’entreprise où on n’est pas forcément le dirigeant ou le fondateur, il faut être en mesure de pouvoir se structurer pour pouvoir aller chercher une gestion du risque. Puis ça va être la gestion du risque technique, commercial, de la propriété intellectuelle. Donc il faut risquer ce que cela pourrait à la fin dans le but, autant pour une startup, qu’une PME, qu’une grande entreprise, de maximiser les chances de succès de la commercialisation du produit. Ça, ça commence dès le début, dès l’idée.
Gaëtan Serrigny : Je voudrais seconder ce que David dit, dans le sens ou dans notre expérience de startup, il faut que tu sois capable de vendre ton produit. Il faut que tu connaisses exactement pourquoi tu fais ce que tu fais et en quoi ça va faire une différence pour aller chercher du financement, pour aller chercher des partenaires. Donc ce processus, non seulement il est important pour nous, mais limportant pour qu’on arrive à créer un réseau et qu’on arrive à faire comprendre aux gens pourquoi est-ce qu’on existe, pourquoi ce projet est important. Et après, c’est sûr que par la suite, il faut trouver une structuration, que ce soit de la chaîne de service, de la chaîne de production, et évaluer tous les coûts qui vont être entrepris dans cette phase d’essais de prototypage et donc bien évaluer les ressources nécessaires pour pouvoir cogner à des portes avec des objectifs très précis, savoir, d’avoir confiance du pourquoi on fait ce qu’on fait.
Carmen-G. Sanchez : Comment est-ce qu’on arrive à distinguer un prototype d’un produit minimum viable?
David Fauteux : Hum, à mon sens, le produit minimum viable, il y a un aspect commercial derrière ce que le prototype n’aura pas. Le prototype, qui est là davantage pour une gestion du risque, identifie dès les premières phases où sont les risques potentiels, parce qu’une technologie qu’on veut intégrer est peut-être encore aux balbutiements de sa maturité, ou parce qu’il y a des éléments qu’on n’est pas sûr de savoir réellement fonctionner. Par exemple, la structure ou la géométrie, dans le cas de Constellation qui pourraient être à évaluer. Dans quelle géométrie est-ce qu’on va? Donc, il y a des éléments de risque, on parlait tantôt en termes de gestion du risque, alors par rapport aux risques techniques, on va les identifier. Les plus gros, ou ceux qui ont le potentiel d’impact le plus important en termes financiers, si le risque technique se matérialise, ou juste si on n’est pas capable d’atteindre certains objectifs, on va les identifier et on va en faire des prototypes. Et c’est là qu’on va aller, puis qu’on va construire de manière simplifiée un certain système. Je prends l’exemple de Letenda, qui est une startup qui construit des autobus électriques, mais dont toute la structure est faite pour une motorisation électrique. Et c’est non pas une structure d’un autobus standard ou à l’essence qui a été transformée pour un autobus électrique, mais tout est construit dès le départ par rapport à une motorisation électrique. Eux très rapidement, un des prototypes qu’ils ont fait, c’est de construire l’intérieur en carton, de faire rentrer de différents corps de métier et de leur demander « Est-ce que ça, ça vous plaît? », parce que c’est suffisamment différent de ce qu’on pouvait connaître dans les autres types d’autobus. Donc des fois, c’est un prototype qui n’est pas forcément complexe, dispendieux, mais il permet de dérisquer un aspect technique. Il peut y avoir certains prototypes qui sont commerciaux. Ça peut être des petits objets qu’on va faire. Pensez à tout ce qui peut sortir d’une imprimante 3D en bas de 1 000 $. Des fois, ça va être de dérisquer, toujours dans une optique de gestion du risque. Et les prototypes ont cette fonction-là. Il y en a qui sont très minimalistes. On va parler de dessiner, on va parler d’utilisation de carton pour essayer de représenter, mais au moins être capable d’en tirer des conclusions. Puis, il y a des prototypes qui, eux, peuvent être très complexes, qui sont pratiquement le produit final. Mais encore là, il est dans un prototype parce qu’on va faire une série d’essais avec ce prototype-là, pour valider que les choses fonctionnent bien. Mais le prototype, à mon sens, reste un élément de gestion du risque, versus le MVP qui lui est le premier produit commercialisable qui va être suffisamment complet dans son ensemble pour aller au marché. Même s’il ne représente peut-être pas la moitié des fonctions anticipées, il y en a suffisamment pour aller valider quelque chose, mais pas le valider gratuitement, il va être validé tout de même dans une offre au nom d’une compagnie qui va être capable d’en tirer des bénéfices. Donc, c’est un peu la distinction que je fais entre prototypes et MVP.
Carmen-G. Sanchez : Dites-moi, David, à quel moment doit-on se préoccuper de la propriété intellectuelle dans tout ce processus-là? Est-ce que c’est quelque chose qui s’applique, par exemple dans le cas de Constellation ou quand on développe un produit? Comment ça fonctionne?
David Fauteux : La propriété intellectuelle, tout dépendant dans le marché dans lequel on est aussi, c’est au maximum ce que tu es capable de mettre en frais d’avocat pour te défendre si quelqu’un veut venir marcher sur ton territoire, si je peux dire. Pour une startup, il faut se questionner, à quel point c’est facile de copier notre produit? À quel point c’est coûteux si un joueur décide de venir prendre la même approche? Je mettrais peut-être quelquefois un bémol, parce que surtout pour une startup, ou quand on déploie et qu’on va de l’avant avec un produit assez innovant, on se bat généralement contre le statu quo. Donc si un autre joueur qui vient développer quelque chose de similaire, ou d’un peu différent, est-ce vraiment un compétiteur? Je ne dis pas s’il veut voler ton brevet, ou si ton brevet est super important et qu’il va y avoir une autre personne qui va venir jouer un peu sur le même terrain, mais ça va quasiment être un allié pour te battre contre la vraie compétition qui est le statu quo. Je prends l’exemple classique d’une auto électrique. Il y a différents joueurs, mais ça peut être fait. Le vrai concurrent de l’auto électrique, ce n’est pas l’autre auto électrique, ça reste que ce sont les autos à gaz. Donc, dans son marché, il faut voir aussi, s’il y a vraiment juste un joueur qui peut revenir, ça en vaut la peine? Dans la notion de compétition, ou de propriété intellectuelle, quand on est dans des marchés très innovants, je ne pense pas que c’est le premier facteur. Je ne dis pas qu’il n’y a pas de considération à avoir. Je pense qu’il faut se poser les bonnes questions, mais je le vois souvent et ce sont souvent des coûts assez élevés. Est-ce que c’est ça la priorité? C’est à réfléchir à mon avis.
Carmen-G. Sanchez : Est-ce que c’est quelque chose que vous considérez du côté de Constellation? Est-ce qu’il y a des étapes ou des produits spécifiquement que vous réfléchissez à la propriété intellectuelle?
François Turgeon : Oui, en fait, c’est certain, c’est clair. Et puis je suis d’accord avec votre commentaire par rapport au fat qu’on parle un peu d’un terrain, qu’on occupe un espace, et puis on veut s’assurer quand même de ne pas avoir de mauvaises surprises, que tout d’un coup, quelqu’un reprend notre idée et développe quelque chose de similaire. On y a pensé, c’est certain. Moi, je mets au défi n’importe qui d’essayer de faire ce qu’on a fait. Il y a un volet aussi, je pense, à un moment donné, c’est un peu comme sauter dans l’eau. Il faut avoir assez confiance qu’on va savoir nager aussi. Et par rapport à la propriété intellectuelle, c’est clair qu’un des enjeux pour nous, c’est tous les plans architecturaux. Ça veut dire l’ensemble des composantes du produit qui fait qu’on est vraiment unique et que finalement on se rapproche peut-être d’un brevet, ou on se rapproche vraiment d’une identité très, très spécifique qui ne peut être copiée. Et si elle est copiée, à ce moment-là, effectivement on est protégé. Je pense qu’une des qualités que nous on a eu avec Gaëtan et avec les différents partenaires qu’on a eus, c’est clair que l’originalité du produit, je pense qu’il y a ça aussi. Par exemple, je fais une référence à quelqu’un qui a inventé une espèce de skateboard à une roue et l’idée, en fait, elle est géniale. Elle est très simple, c’est comme un skateboard, mais la roue, elle, est centrée au centre. Il y a un moteur qui est intégré dans la roue et là tu peux avancer. À la base, on se disait : oui, mais moi je peux, je peux faire la même chose, je peux, je peux copier, je peux le faire, mais l’ingénierie, le concept, la réflexion derrière fait-en sorte que pour quelqu’un qui voudrait copier cette idée-là, ça demanderait un effort considérable. Et c’est clair que nous, on réfléchissait à ça, on se disait « Ouais, mais si des géants de la construction voient notre idée, et se disent tiens, on pourrait faire la même chose. Qu’est-ce qu’on ferait? ». Et bien moi, en même temps, je me dis si notre idée est bonne et que les gens se sentent inspirés, tant mieux parce que je crois qu’il est temps qu’on revoie un peu la façon dont on construit les choses. Je pense qu’il est temps qu’on approche la construction d’une façon un peu différente et qu’on trouve des solutions. Et si on peut inspirer ces solutions-là à d’autres producteurs ou à d’autres concepteurs, tant mieux. Mais c’est clair que Constellations se positionne, entre autres, à travers ses plans, à travers ses différentes techniques d’assemblage et de construction à défendre, bien entendu, sa propriété intellectuelle.
Carmen-G. Sanchez : Comment est-ce qu’on arrive à distinguer un prototype d’un produit minimum viable?
David Fauteux : Hum, à mon sens, le produit minimum viable, il y a un aspect commercial derrière ce que le prototype n’aura pas. Le prototype, qui est là davantage pour une gestion du risque, identifie dès les premières phases où sont les risques potentiels, parce qu’une technologie qu’on veut intégrer est peut-être encore aux balbutiements de sa maturité, ou parce qu’il y a des éléments qu’on n’est pas sûr de savoir réellement fonctionner. Par exemple, la structure ou la géométrie, dans le cas de Constellation qui pourraient être à évaluer. Dans quelle géométrie est-ce qu’on va? Donc, il y a des éléments de risque, on parlait tantôt en termes de gestion du risque, alors par rapport aux risques techniques, on va les identifier. Les plus gros, ou ceux qui ont le potentiel d’impact le plus important en termes financiers, si le risque technique se matérialise, ou juste si on n’est pas capable d’atteindre certains objectifs, on va les identifier et on va en faire des prototypes. Et c’est là qu’on va aller, puis qu’on va construire de manière simplifiée un certain système. Je prends l’exemple de Letenda, qui est une startup qui construit des autobus électriques, mais dont toute la structure est faite pour une motorisation électrique. Et c’est non pas une structure d’un autobus standard ou à l’essence qui a été transformée pour un autobus électrique, mais tout est construit dès le départ par rapport à une motorisation électrique. Eux très rapidement, un des prototypes qu’ils ont fait, c’est de construire l’intérieur en carton, de faire rentrer de différents corps de métier et de leur demander « Est-ce que ça, ça vous plaît? », parce que c’est suffisamment différent de ce qu’on pouvait connaître dans les autres types d’autobus. Donc des fois, c’est un prototype qui n’est pas forcément complexe, dispendieux, mais il permet de dérisquer un aspect technique. Il peut y avoir certains prototypes qui sont commerciaux. Ça peut être des petits objets qu’on va faire. Pensez à tout ce qui peut sortir d’une imprimante 3D en bas de 1 000 $. Des fois, ça va être de dérisquer, toujours dans une optique de gestion du risque. Et les prototypes ont cette fonction-là. Il y en a qui sont très minimalistes. On va parler de dessiner, on va parler d’utilisation de carton pour essayer de représenter, mais au moins être capable d’en tirer des conclusions. Puis, il y a des prototypes qui, eux, peuvent être très complexes, qui sont pratiquement le produit final. Mais encore là, il est dans un prototype parce qu’on va faire une série d’essais avec ce prototype-là, pour valider que les choses fonctionnent bien. Mais le prototype, à mon sens, reste un élément de gestion du risque, versus le MVP qui lui est le premier produit commercialisable qui va être suffisamment complet dans son ensemble pour aller au marché. Même s’il ne représente peut-être pas la moitié des fonctions anticipées, il y en a suffisamment pour aller valider quelque chose, mais pas le valider gratuitement, il va être validé tout de même dans une offre au nom d’une compagnie qui va être capable d’en tirer des bénéfices. Donc, c’est un peu la distinction que je fais entre prototypes et MVP.
Carmen-G. Sanchez : Comment ça s’intègre dans la nature? Je trouve ça vraiment magnifique et je trouve que ça ouvre bien la porte à un prochain bloc qui est davantage axé sur l’écoconception, cette espèce d’harmonie, si on veut, avec différents facteurs environnementaux. Peut-être commencer avec David, comment est-ce qu’on interprète l’écoconception par rapport à la conception traditionnelle d’un produit?
David Fauteux : On l’interprète de manière assez large. À la base, si on revient à l’écoconception, c’est de s’assurer que le produit ait le moins d’impact possible sur l’environnement. Et comme on le voit, le produit, oui il y a les éléments un peu plus matériels et l’énergie, mais à la fin, on voit que le produit et son modèle d’affaires, et ses parties prenantes, et l’enjeu, donc c’est beaucoup plus large. C’est ce qui fait qu’on en parle davantage à l’Institut de développement de produits comme étant de l’innovation durable, parce que c’est aussi un moteur d’innovation. Ce sont des contraintes qu’on se donne, qu’on amène pour s’assurer que notre impact environnemental ne soit pas élevé. Autant on pourrait avoir des contraintes financières, on a des contraintes techniques quand on développe un produit et en se donnant des contraintes environnementales, forcément ça va nous aider à innover, et à innover de manière différente, parce que le modèle devra être différent, parce qu’on ne peut plus se permettre d’avoir tel ou tel rejet, ou tel impact par rapport à son produit. Donc, quand on parle d’écoconception, il y a la notion du produit qui est centrale, qui va revenir à un impact sur les fonctions, sur les caractéristiques du produit, mais la réflexion, elle est beaucoup plus large et part d’une idée aussi ; il faut que l’entreprise veuille changer, il faut qu’elle veuille changer pour le bien de certains enjeux.
Carmen-G. Sanchez : Comment avez-vous fait pour minimiser les impacts environnementaux de votre projet?
Gaëtan Serrigny : Je pense que tout d’abord, c’est un choix de matériaux. Donc parfois, si on va vers le plus simple, ce n’est pas là qu’on va les trouver. Par contre, si on fait un processus de recherche un peu plus poussée — le bois est déjà un matériau renouvelable, et en plus il peut avoir des fournisseurs locaux — on peut avoir des coupes écologiques qui respectent un certain cycle de la forêt, et donc je pense que c’est une volonté de recherche. Dans le fond, c’est une volonté aussi de créer cette économie circulaire qui est quelque chose qui est de plus en plus mis en pratique au Québec, ce qui est génial. Le reste du processus de production de l’un peut devenir le début de la production de l’autre. Et donc, je pense que ce qui est super de l’écoconception, c’est que c’est justement une valeur que oui, ça demande plus de recherche. Oui, parfois, il y a un coût qui est relié à ça, mais c’est une valeur qui est de plus en plus prise en compte par le marché et par l’expérience des utilisateurs. Donc on s’est dit que si on veut avoir une expérience en nature autant qu’elle soit faite dans un environnement qui est complètement réfléchi avec la protection de celle-ci.
François Turgeon : Oui. Puis, j’ajouterais que l’écoconception dans notre cœur, en fait on a été assez chanceux parce que notre premier client se situe à cinq kilomètres de la shop où sont produits nos écopods. Donc, au niveau des GES et du transport, on a été extrêmement chanceux, parce que si on avait eu notre premier prototype envoyé en Gaspésie, là on aurait peut-être eu un impact un petit peu plus négatif au niveau des GES. Je pense à une des choses que j’ai entendue dernièrement et qui m’a vraiment beaucoup impacté en tant qu’entrepreneur, c’est un gars qui s’appelle Gary V. C’est ça, Gaëtan?
Gaëtan Serrigny : Oui, c’est Gary V.
François Turgeon : Alors c’est à travers Gaëtan, je pense, que j’ai découvert cet homme-là, mais bref, lui, il a dit un truc sur Instagram que j’ai beaucoup aimé, il dit: « Kindness is a super power ». Et j’ai trouvé ça très beau, parce que je pense que — et c’est ce que je disais au départ — pour une entreprise, le but ultime, ce n’est pas de faire de l’argent. Le but ultime, c’est de répondre à un besoin. Oui, il faut faire de l’argent, mais surtout en entrepreneuriat et surtout au début, le problème — puis moi je sais, j’ai eu cette expérience-là — c’est de sous-estimer les besoins. Et si on sous-estime nos besoins en tant qu’entrepreneur, on se retrouve dans une situation où il peut y avoir des problèmes financiers ; on n’a pas prévu certains coûts, on n’a pas prévu que mettre en place nos prototypes, etc. allait nous demander plus de ressources… Je pense que l’écoconception quelque part, c’est aussi ce désir de se dire voilà, on n’est peut-être pas présentement — si on évalue notre écoconception présentement, on est peut-être à 20 %, 25 % ou 30 % de ce qu’on veut être. C’est très complexe l’écoconception, ça touche énormément de paramètres et une des choses que nous on a faite avec GAE, c’est qu’on a mis en place un projet avec ÉcoLeader qui doit venir en aide à l’entreprise pour la positionner, mais aussi pour développer des processus plus définis en écoconception. Je vous donne un exemple très, très simple. L’écoconception peut, par exemple, être proposée à un entrepreneur : j’ai des employés qui doivent voyager 40-50 minutes loin de mes bureaux. L’employeur peut décider par exemple de louer des maisons ou de permettre à ses employés d’avoir un espace où rester durant la semaine pour diminuer les gaz à effet de serre. L’écoconception, c’est aussi, je pense, énormément de changer les habitudes de vie des employés. Moi, je l’ai vu et on travaille avec notre secteur de production avec un homme extraordinaire qui s’appelle Robert Rondeau qui est venu en aide au projet. Robert, ça fait 25 ans qui sont en construction. Il a déjà fait son propre bateau à un certain moment, et Robert a certainement une qualité extraordinaire, mais il a un certain réflexe de constructeur classique. Et c’est cet aspect là, justement, qu’on développe avec lui, de se dire comment on peut améliorer la production? Ce que normalement on jetterait en construction, on veut le revitaliser, et c’est cette espèce de changement, ce pivot de pensée, qui fait que finalement, l’écoresponsabilité peut devenir un super pouvoir. Et les gens qui vont acheter nos structures, ils vont, les acheter en se disant que peut-être qu’au pied carré, ça revient plus cher qu’une maison normale, mais je sais qu’avec la structure et l’effort qui a été fait, je comprends et je vois la validation des différentes étapes de production, et je pense que c’est un bon investissement. À ce moment-là, les coûts et responsabilités sont un devoir, mais ça devient aussi un argument de vente.
Carmen-G. Sanchez : C’est là aussi où on peut se faire accompagner dans cette réflexion-là, et à l’Institut de développement de produits, c’est un des volets également que vous pouvez couvrir avec des entreprises qui souhaitent développer dans les grands principes de l’écoconception.
David Fauteux : Oui, exactement, ce n’est pas nouveau à l’IDP qu’on fait de l’écoconception. C’est d’un point de vue innovation une nouveauté à laquelle les entreprises sont confrontées dans comme la transition numérique, comme des enjeux d’innovation, des nouveaux marchés, de nouvelles tendances. L’entreprise qui veut intégrer l’innovation durable dans ses pratiques, c’est une approche d’un peu plus haut niveau. C’est le même principe. Donc, comment est-ce qu’on tient compte de cette nouveauté-là pour changer nos pratiques, pour se donner un avantage compétitif dans le marché? Je reviens un peu à l’exemple que François a mentionné, et en fait à l’exemple des écopods par rapport au statu quo. J’y reviens un peu parce que vous avez lancé ce projet-là et c’est votre premier produit, mais ce produit-là est tout de même en comparaison avec un équivalent qui est un chalet standard. Et là, oui, on a parlé des matériaux, on a parlé de l’aspect très interne de l’entreprise, mais quand on regarde le fondement du produit et que l’on compare ça à un chalet, eh bien, il y a aussi toute une notion système de notre produit. Dans quel système est-il? Et en l’occurrence, pour une habitation secondaire, souvent son système est dans la forêt. Donc, comment est-ce qu’on peut réduire l’impact environnemental qu’on peut avoir dans la forêt? Intrinsèquement, par des caractéristiques que vous avez faites dans votre produit., vous n’avez pas de fondations, les impacts sur la nature sont beaucoup moins importants, l’espace aux pieds carrés, vous l’avez réduit par rapport à un chalet qui peut facilement avoir 1000-1500 pieds carrés à une petite habitation à 80 pieds carrés, forcément cela a moins d’impact. Elle n’est pas intrusive par rapport à la forêt. Donc il y a des principes de base, il y a des principes qu’on peut appliquer au produit, même par rapport au statu quo, au produit équivalent. Donc une entreprise, et souvent dans les startups, la nouveauté elle est à même le premier produit qui est lancé, donc il faut être capable de voir ce qu’on peut faire à l’interne, ce que j’ai aimé, ce que j’ai entendu sur les capacités de récupération des matériaux… Mais je dirais pour les entreprises qui ont déjà des produits plus standards, c’est de voir comment mon produit peut-être conçu différemment. Comment une entreprise de construction, comme le directeur de production chez vous Constellation, conçoit des habitations d’un certain type et est capable de prendre une posture pour dire est-ce que je suis capable d’amener une nouvelle ligne de produits? Est-ce que je suis capable de faire évoluer mes produits dans une vision différente qui vont avoir forcément une réduction d’impact sur l’habitation, mais dans le système dans lequel il est. Il y a un aspect très global à l’écoconception et à l’innovation durable. Et on s’entend que pour une entreprise qui construit des chalets, qui voudrait aller dans une direction de construire de nouvelles habitations avec un faible impact, on s’entend que ça prend une volonté de changement forte dans le modèle d’affaires, dans de nombreux éléments de l’entreprise. Donc cette capacité-là, quand on parle d’écoconception ou d’innovation durable, il y a des éléments très techniques du produit qu’on aborde, mais il y a aussi une volonté de dire : est-ce que je veux changer réellement la manière dont fonctionne mon entreprise? Est-ce que je veux la changer avec des objectifs environnementaux, sociaux? Quels enjeux réellement je veux tenter de répondre à travers mes produits? Ça, c’est un aspect qu’on a peut-être moins parlé au début, mais une entreprise qui développe des produits, François l’a mentionné en fait, une entreprise qui développe des produits uniquement pour une opportunité commerciale, ça devient de moins en moins viable. Il manque quelque chose. Au contraire, une entreprise doit développer ses produits pour répondre à un enjeu, et si l’enjeu en plus, donne un aspect environnemental ou social comme portée, c’est là que l’innovation durable ou l’écoconception est un élément d’organisation, et plus uniquement juste de produits.